Kinshasa Papers : Comment les ressources du Congo sont pillées

Publié le par Jean-Cornelis Nlandu-Tsasa

Ces dollars qui font courir les fraudeurs
Ces dollars qui font courir les fraudeurs

Bruxelles, 18/05 - Sous le titre " Panama Papers : Les ressources naturelles du Congo pillées", le quotidien Le Soir consacre deux grandes pages dans sa livraison du jeudi 18 mai, sur la façon dont le Congo est saigné à sang par des hommes d'affaires véreux et sans morale, profitant de l'absence d’État à Kinshasa.

Pour le journal belge, les montages financiers, qui s'opèrent parfois avec la complicité du sommet de l’État congolais, posent la question de la gouvernance fiscale dans la mesure où Kinshasa semble tolérer le régime offshore de ses résidents jusqu'à réduire son assiette fiscale, alors qu'une meilleure gouvernance réduirait plutôt les besoins du Congo en aide au développement.

Selon les Panama Papers, les offshores permettent à l'élite congolaise de s'enrichir en pillant les ressources naturelles du pays, avec la bénédiction implicite du gouvernement Kabila. Le journal belge qui fait état des travaux d'un an d'enquête menée par plus de 100 médias à travers le monde, souligne que les résidents étrangers et les proches du pouvoir usent et abusent des paradis fiscaux, grâce aussi à une justice congolaise totalement laxiste.

Le quotidien belge met en vedette des personnalités telles que le diamantaire israélien Dan Gertler, très actif dans le cuivre, le diamant e le pétrole, ainsi que Philippe de Moerloose, un Belge classé dans le top 100 des grandes fortunes et englué dans l'aviation congolaise ainsi que dans l'hôtellerie de luxe, comme le Pullman Grand Hôtel Kinshasa et le Pullman Grand Karavia Lubumbashi.

Le diamantaire israélien Dan Gertler, gratifié d'une grande photo dans Le Soir, est parvenu, via des constructions juridiques opaques, à prendre le contrôle de blocs pétroliers I et II du Graben Albertine, à la frontière entre la RDC et l'Ouganda, qui avaient pourtant déjà été attribués à une société sud-africaine. Ces montages secrets provoqueront l’indignation du bureau Mossack et Fonseca, au cœur du scandale des Panama Papers et qui qualifie l'homme d'affaires de « marchand de diamants de sang ». Mais ils permettront à Joseph Kabila et les siens d’empocher une “prime de signature” royale de six millions de dollars, selon Le Soir.

Philippe de Moerloose : de moins de 2 000 euros à une fortune de plus de 860 millions d’euros

Pour sa part, révèle le journal, Philippe de Moerloose, qui a son centre de gravité en Afrique des Grands Lacs, se révèle dans l'import-export des véhicules et pièces détachées, avant d'atterrir dans l'aviation grâce à l'ouverture d'une offshore au Panama, Pangun Holding, qui finance plusieurs sociétés de droit congolais dont Hewa Bora puis Fly-Congo et CAA.

Accusé par les Panama Papers d'accointance avec le président Kabila, Philippe de Moerloose se défend, dans une lettre de 8 pages au journal Le Soir, de n'entretenir que des relations de fournisseur à clients institutionnels, notamment pour des gros engins au ministère de la Défense. Néanmoins, révèle le journal, il a réussi en moins de 25 ans à porter le capital de son entreprise congolaise de 75 000 francs belges (moins de 2 000 euros) à un holding pesant pas moins de 860 millions d’euros en 2013.

Mais il y a aussi l'un des Belges les plus riches, M. Patokh Chodiev, qui a pris le contrôle des mines de Kabolela et Kipese au nord-est de la RDC, via une succession de sociétés écrans, où apparaît aussi un certain Zuma Khulubuse Clive, neveu du président sud-africain. A l'origine du montage se trouve un homme d'affaires congolais, Mukeba Kanumubadi, alors détenteur de la totalité du capital de la société minière de Kabola et Kipese SPRL via une société luxembourgeoise (Cofiparinter SA), elle-même détenue par l'offshore de Mukeba située aux Ïles Vierges britanniques.

Les phénomènes Damseaux et Rawji

Le Soir met également en exergue la famille Damseaux, qui a fait fortune grâce à un quasi-monopole dans la distribution agro-alimentaire au Congo et qui se dôte d'une société écran de droit panaméen avec une ramification au Luxembourg, Talgarth Holding. Celle-ci héberge immeubles et comptes bancaires situés au Congo et en Belgique. Deux membres de cette familles sont déjà emprisonnés sous Mobutu pour transferts illicites de fonds vers l'Europe.

Le quotidien belge épingle également les quatre frères indo-britanniques Rawji, qui rachètent Beltexco pour en faire une entreprise de distribution, avant de se lancer également dans les activités portuaires et l'import des véhicules via Rafi et Prodimpex. Mais ils sont surtout connus comme les propriétaires de la Rawbank, probablement la plus grande banque de la RDC, dont les avoirs sont officiellement chiffrés à 947 millions de dollars en 2014. Le tout coordonné depuis un bureau de liaison à Bruxelles qui aide à planquer l'argent sale hors du regard de Kinshasa, via une armada de sociétés offshore structurées autour de quatre paradis fiscaux au Panama, aux Iles Vierges britanniques, aux Iles Caïmans et à l'Ile de Jersey.

Deux personnalités congolaises éclaboussées

Dans cette entreprise de blanchiment et d’évasion fiscale d’envergure internationale, Le Soir se limite aux personnalités étrangères. Il faut lire le site de RFI et d'autres dont Insider pour dénicher les Congolais cités. En effet, deux personnalités sont concernées, parmi elles la sœur du président congolais, Jaynet Kabila, également députée, et une figure de premier plan de l'industrie minière congolaise, Feruzi Kalume Nyembwe.

Selon les documents, Jaynet Kabila est propriétaire avec l'homme d'affaires congolais Feruzi, à concurrence de la moitié des capitaux chacun, d'une société offshore baptisée Keratsu Holding, enregistrée en juin 2001 à Niue, une petite île du Pacifique sud. C'est via cette société écran que la sœur de Joseph Kabila est actionnaire pour 9,6 % des parts du grand opérateur téléphonique Vodacom Congo.

A la publication, une coalition d'ONG basée à Lubumbashi et baptisée « Droits pour Tous » avait demandé aux autorités judiciaires et parlementaires d’ouvrir une enquête sur les révélations et de diligenter des investigations pour faire la lumière sur d'éventuelle dissimulation de leurs actifs en vue d'échapper au fisc.

Autant de dossiers qui intéresseront sûrement le ministre congolais de la Justice et garde des Sceaux, M. Thambwe Mwamba, qui s'est brusquement révélé une vocation de justicier implacable depuis la "Saga des prétendus mercenaires de Moïse Katumbi".


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Dan Gertler, Jaynet Kabila et Philippe de Moerloose, tous cités par Panama Papers pour fraudeDan Gertler, Jaynet Kabila et Philippe de Moerloose, tous cités par Panama Papers pour fraudeDan Gertler, Jaynet Kabila et Philippe de Moerloose, tous cités par Panama Papers pour fraude

Dan Gertler, Jaynet Kabila et Philippe de Moerloose, tous cités par Panama Papers pour fraude

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