Amicale Lipopo : Le Prof. Filip De Boeck expose sur la manière dont les Congolais réinventent leur vie

Publié le par Jean-Cornelis Nlandu-Tsasa

 

Le Prof Filip de Boeck à l'Amicale Lipopo

Bruxelles, 24/10 - Les membres de l'Amicale Lipopo de Belgique ont été conviés, dimanche, à l'exposé du Prof. Filip De Boeck de la KUL (Katholieke Universiteit Leuven), qui a effectué des recherches sur certains pans cachés de la Ville de Kinshasa, mais aussi des autres coins de la RDC, dans le cadre d'une série de conférences initiées par cette association des Kinois autour de la ville de Kinshasa.

Au sujet de la capitale congolaise, le conférencier a expliqué que les Congolais en général tentent de réinventer la ville pour améliorer leur vécu quotidien, au moment où les pouvoirs publics construisent des immeubles de luxe aux loyers inaccessibles, souvent en expropriant une population qui ne demandera qu'à exister ailleurs, avant de revenir squatter les abords de leurs anciennes habitations, avec des logements de fortune.

Le professeur De Boeck a dit avoir ainsi visité un bâtiment de l’État appartenant à l'OCPT à Masina, qui est occupé aujourd'hui en logements par ses employés, avec la bénédiction de l'employeur, incapable de payer les salaires de ces personnes depuis des dizaines de mois.

Son attention a également été attirée par une résidence sur 7ème rue industrielle à Limete, où le propriétaire qui se dit médecin a érigé une tour de 12 étages, sans architecte, dans l'objectif de concentrer toutes les facettes de la ville de Kinshasa dans son immeuble, notamment avec une école, un magasin, un centre hospitalier et même une tour de contrôle pour l'aviation.

Le chercheur belge s'est également appesanti sur le phénomène de la Cité du Fleuve, construite pour être la nouvelle ville de Kinshasa, avec 400 logements de luxe au départ mais qui, pour la plupart demeurent inoccupés. En face, il y a les anciens propriétaires des terres qui avaient été délogés mais qui reviennent progressivement réoccuper les terres dans des bidonvilles qui contrastent avec le luxe imposé par l'Etat, mais qui ne peut abriter que les familles des expatriés et des dignitaires du régime, seuls capables de s'offrir un crédit bancaire.

Les "trous" à travers la ville comme sources de survie

Mais le phénomène qui a retenu le plus d'attention sur Kinshasa est celui des "trous", ces nids de poule qui jonchent les chaussées et que certains habitants s'approprient pour rançonner les conducteurs embourbés et ainsi survivre à la crise. Le phénomène est ainsi encré dans l'imaginaire congolais que même en Occident, on retrouve facilement des endroits, débits de boissons ou magasins, rebaptisés instinctivement "libulu" ou "grand libulu" en référence aux trous laissés au pays.

A ce sujet, le conférencier qui s'est également rendu au Katanga révèle que le paysage de cette province peut se résumer en un mot : les trous", avec des collines qui ont été rasées par des sociétés minières, sinon par des petits creuseurs. Aussi, la montagne qui jadis était, dans la culture africaine, comme le symbole de puissance et d'élévation, a été remplacée par des trous grâce auxquels la population peut encore survivre.

Répondant à une question, le Prof Filip de Boeck s'est interrogé pourquoi "le printemps arabe" n'a jamais eu lieu en RDC, à la vue de l'indifférence des pouvoirs face à la misère de la population, avec 75% des jeunes, sans emploi et sans avenir immédiat, alors que seuls 12% de la population se prévalent de l'économie formelle. L'une des réponses, à son avis, réside également dans le phénomène des "trous".

En effet, croit-il savoir, les gens peuvent aujourd'hui envahir les rues pour exprimer leur ras-le-bol, mais ils sont obligés, malgré eux, d'abandonner rapidement la lutte après un certain temps pour rentrer gérer les "trous", seules sources de revenus et de survie.

Une vue de l'assistance - A dr : Cornelis Nlandu, modérateurUne vue de l'assistance - A dr : Cornelis Nlandu, modérateur

Une vue de l'assistance - A dr : Cornelis Nlandu, modérateur

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