Et si on révoquait le président de la CENI pour incompétence ? (Chronique)
Bruxelles, 31/10 – La République démocratique du Congo s’est acquis une sale réputation, celle d’être le seul pays au monde à ne pas être capable d’organiser ses élections. En effet, c’est depuis décembre 2016 que les Congolais devaient être appelés aux urnes. Il y a eu de nombreux morts pour cela, et des dégâts collatéraux. En vain.
Puis ces joutes ont été repoussées à « au plus tard le 31 décembre 2017 » par consensus entre toute la classe politique assistée par la Société civile et des « personnalités », même si celles-ci leur qualité étaient totalement douteuse parce que nommées comme en ex-URSS où « les volontaires sont désignés par décret ». Soit.
Aujourd’hui, le président de la CENI estime, sans rire, qu’il lui faudra « 504 jours après la fin de l’enrôlement pour organiser les élections », c’est-à-dire en 2019. Il ne se gêne pas d’ajouter : « Et encore, on ne saura que plus tard si les 504 jours seront suffisants ». En clair, M. Corneille Naanga ne sait déjà pas lui-même quand les Congolais pourront s’acquitter de leur devoir constitutionnel.
Dans l’entre-temps, la RDC a une institution judiciaire, même si le ministre de tutelle l’a qualifiée de « justice corrompue ». Ce que tout le monde savait depuis longtemps d’ailleurs. Ce pays a aussi un parlement, un Sénat, tous remplis de gens payés avec un salaire de corruption : pas moins de 7 200 dollars par mois, mieux que les députés français (5 200 euros), juste pour parler sans jamais se montrer capables de bouger le petit doigt. Alors que leurs anciens professeurs à l’université se contentent d’une rémunération juste suffisante pour ne pas mourir de faim.
Du coup, personne n’aide Naanga à sortir de sa torpeur, de son incompétence. Au contraire, tout le monde se satisfait du retard, de la sale renommée mondiale acquise par la RDC d’incapacité généralisée à organiser quoi que ce soit sans aide extérieure. L’Angola vient d’organiser ses élections, le Kenya aussi et à deux reprises, le Congo Brazza, même des petits pays comme le Burundi ou le Rwanda, pour ne citer que ceux-là.
Un gars a cru se montrer brillant en avançant : « Mais ce n’est pas comparable, parce que la RDC est un grand pays ». Je lui ai rétorqué sans retenue : « Les personnes intelligentes savent depuis l’école primaire que le Congo est un grand pays. C’est dommage que les gens de la Majorité présidentielle ne le savent qu’en 2016. Et on est en droit de se poser de sérieuses questions ».
Pour Haley : Les élections en 2018 sinon rien
Il a donc fallu que quelqu’un vienne de très loin pour faire comprendre au président de la CENI que les élections « doivent » se tenir en 2018, puisque à Kinshasa personne n’est capable d’atteindre ce niveau de raisonnement.
Devant un Corneille Naanga tout penaud, selon des témoins, Nikky Haley a sèchement remonté les bretelles à Naanga : « Les élections en RDC devront se tenir en 2018. Les Etats-Unis et la communauté internationale ne soutiendront ni ne financeront les élections qui se tiendraient au-delà de cette échéance ». Un point, un trait.
Malgré que Naanga et ses ouailles avaient continué à réciter le même refrain démodé et connu de tous, à savoir : « Les contraintes techniques, logistiques, financières, législatives qui rendent impossible la tenue des présidentielles, législatives avant fin 2019 », c’était en pure perte. L’envoyée spéciale de Donald Trump est restée de marbre : « Ces élections peuvent et doivent se tenir en 2018 », a-t-elle martelé d’un ton ferme devant une classe politique mouillée jusqu’aux os, elle qui croyait se moquer indéfiniment de la population, faisant d’ailleurs fi aux nombreux morts enregistrés depuis décembre 2016 pour cette cause.
Le président de la CENI a besoin de 504 jours pour continuer à s’engraisser et pour aider ses protecteurs à poursuivre leur pillage, là où l’abbé Malu-Malu avait, en 2005, convoqué les scrutins 5 mois après la fin de l’enrôlement, et le pasteur Ngoy Mulunda 4 mois en 2011. Comment Naanga peut-il expliquer aux Congolais son délai de près de deux ans ?
Que faut-il alors craindre ?
Les prochains mois, non les prochains jours, risquent de nous réserver des situations cocasses, peut-être incongrues, ou apocalyptiques, c’est selon. Les prémisses en sont déjà manifestes :
Incendies à répétition de grands immeubles - Buildings Empire et Botour à la Gombe ainsi que Food Market à Kintambo - même si les danseurs du ventre s’entêtent de les qualifier d’accidentels, grèves contagieuses à travers les professions, président du Rassemblement interdit de meeting après que les Katangais eussent été interdits d’approcher leur leader, retrait de partis politiques des institutions, même si Kangudia résiste et ce, contre toute considération démocratique et consensuelle, personnalités assassinées comme le prêtre katangais.
Mais aussi des citoyens interdits même d'aller à la messe du dimanche (le cas de "Baba" Kyungu à Lubumbashi, marches de protestation partout, même si elles sont encore sporadiques, et répressions des manifestations avec des victimes tombées des balles des agents de l’ordre et policiers tués par la population en colère.
Mais avec ce fameux mois de décembre qui s’approche à grands pas, ne faut-il pas craindre que la prochaine étape soit plus dévastatrice, lorsque le nombre de manifestants ira croissant, avant que ceux-ci envahissent les institutions et contraignent les kuluna en cravate à prendre la fuite ? L’avenir en tout cas est loin d’être un fleuve tranquille.