Le ministre Kin-Kiey invente une potion capable de faire de Joseph Kabila un président à vie

Publié le par Jean-Cornelis Nlandu-Tsasa

Le ministre Kin-Kiey invente une potion capable de faire de Joseph Kabila un président à vie

Bruxelles, 20/08 – Le professeur Tryphon Kin-Kiey Mulumba Kin-Kiey, ministre des Relations avec le parlement, on le sait, est un habitué de la navigation à contre-courant. Aujourd’hui, il récidive. En effet, il vient d’inventer une nouvelle potion magique à même de faire de Joseph Kabila un président à vie.

Dans une interview à l’agence Belga, non seulement il préconise une modification de la Constitution pour permettre à Kabila, dont le pouvoir prend fin en 2016, de briguer un troisième mandat - actuellement interdit par la Constitution de la République démocratique du Congo - Kin-Kiey conseille l’instauration du scrutin indirect pour l'élection présidentielle. Dans ce cas, un groupe de 600 grands électeurs serait chargé de voter le président de la République en lieu et place de la population congolaise.

"Je plaide pour l'instauration du scrutin indirect pour l'élection du président de la République. Dans le contexte congolais, ce mode de scrutin aura le mérite de réduire sensiblement la contestation à l'issue de la publication des résultats des élections. Un corps électoral de 500 ou 600 grands électeurs élus au niveau local permettrait au pays de faire d'une part l'économie des moyens et de l'autre celle de la contestation", a-t-il affirmé ce week-end au cours d'une interview accordée à l'agence Belga lors d'un passage en Belgique.

Selon lui, une telle élection indirecte "ne sera pas une exception congolaise puisque sur le continent - Afrique du Sud, Angola - ou dans le monde - États-Unis par exemple -, plusieurs pays élisent déjà leur président de la République de cette manière".

Le second mandat de M. Kabila expire dans seize mois et une élection présidentielle, couplée à des législatives, doit se tenir le 27 novembre 2016 pour conclure un cycle électoral complet, censé débuter le 25 octobre prochain par des scrutins locaux.

M. Kin-Kiey, qui fut en 1997 le dernier porte-parole de l'éphémère dernier gouvernement du maréchal Mobutu Sese Seko avant de rejoindre la rébellion du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD soutenu par le Rwanda) contre Kabila, plaide désormais pour une mobilisation de tous les Congolais autour de la personne de M. Kabila au nom du "salut national", alors que le pays "se normalise" après des décennies de troubles et de guerres civiles.

"Kabila a encore des miracles à produire s'il veut apporter le bien-être partout dans ce pays", a prétendu le ministre dans son "appel de Masimanimba", lancé le 27 juin depuis son fief de la province du Bandundu (ouest de la RDC).

La RDC manque d’argent, selon Kin-Kiey

Pour lui, l'un des arguments pour une élection présidentielle indirecte est l'aspect financier. Le coût du cycle électoral (sept scrutins en tout en une année) est de 1,2 milliard de dollars, alors que la RDC "peine à mobiliser un budget annuel de sept milliards" - en dépit de ses immenses richesses géologiques, forestières et hydrauliques. M. Kin-Kiey suggère dès lors une modification de la Constitution de 2006 - déjà adaptée en 2011 - pour faire de la présidentielle un scrutin à un seul tour.

Interrogé sur la voie à suivre, il assure que "c'est à débattre". "Les députés peuvent être réélus indéfiniment et la chancelière allemande Angela Merkel en est à son troisième mandat" à la tête du gouvernement allemand, a-t-il fait valoir. La limitation à deux mandats prévue dans la Constitution congolaise, "c'était idyllique, c'était le rêve, faisons comme notre colonisateur", en oubliant "qu'il y a un contexte congolais et africain", a poursuivi le ministre.

En janvier, une contestation populaire sans précédent contre un projet de la loi électorale susceptible de prolonger le mandat de M. Kabila avait fait entre 27 et 42 morts, selon les sources. Mais M. Kin-Kiey estime que ces réticences peuvent être vaincues par le dialogue. M. Kabila pourrait, selon lui, lancer ce dialogue "sans tabou" dès le mois d'octobre après avoir mené de larges "consultations" au printemps, qui n'ont encore débouché sur aucun résultat concret.

L'opposition congolaise est divisée sur la participation à cet éventuel dialogue et son principal parti, l'Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS) du vieil opposant Etienne Tshisekedi, 82 ans, est miné par des querelles intestines mais aussi se trouve au bord de l’implosion à cause de l’idée de son président d’y participer.

« Kabila Désir »

En octobre 2014, le professeur Kin Kiey Mulumba alors ministre des Postes, télécommunications et Nouvelles technologies de l’Information et de la Communication, avait surpris son monde. Sortant de son cadre de ministre des PT et NTIC, il venait de lancer ni plus ni moins qu’une chanson. Celle-ci est intitulée « Kabila désir », un hymne à la gloire du président Kabila, un nouveau « Djalelo » en somme, comme à l’époque désuète du Président-Fondateur Mobutu Sese Seko Kuku Nbgendu Wa Zabanga.

La chanson de 7 minutes, présentée avec faste au public et interprétée par Tshala Muana, n’a malheureusement été qu’un flop aussi bien sur le plan artistique que politique. Les Congolais avaient déjà tourné le dos au « Sakayonsa », au « nani ariona Mobutu » ou à « Candidat na biso ...», qui ont été autant de retentissants succès aux temps anciens.

Dans sa présentation de la chanson, l’artiste-compositeur Kin-Kiey Mulumba avait indiqué que l’initiative s’inscrivait « dans le sens du devoir des sociétaires de la majorité présidentielle qui se sentent dans l’obligation de louer et faire connaître les diverses réalisations du chef de l’Etat depuis son avènement à la tête du pays », lesquelles, a-t-il souligné, font que, désormais « le Congo est debout ».

Le ministre Kin-Kiey, un habitué de la danse du ventre, poursuit : « Depuis 1960 à ces jours, jamais la RDC n’a eu un président aussi visionnaire que Joseph Kabila », ajoutant que « Kabila est comme un joker qu’il ne faut pas perdre ».

Du copier-coller de l’époque du Mobutisme pur et dur où la MOPAP (Mobilisation, Propagande et animation politique) nous rabâchait les oreilles avec un discours semblable comme quoi « Mobutu est le génie, le visionnaire, le sauveur, le pacificateur ». Aujourd’hui en pleine « démocratie », on conçoit mal comment un Congolais sensé, de surcroît professeur, peut s'autoriser un tel dérapage linguistique démodé et périmé. Comme quoi, nos intellectuels peuvent tout se permettre, même ramper devant l’autorité, lorsqu’il s’agit de défendre son pain.

"Candidat na biso Mobutu" hier, "Kabila Désir" aujourd'hui : Un joli copier-coller

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