RDC : Pas d'élections en 2016 à croire la Majorité présidentielle

Publié le par Jean-Cornelis Nlandu-Tsasa

La Majorité présidentielle autour de Joseph Kabila
La Majorité présidentielle autour de Joseph Kabila

Bruxelles, 17/04 - Au moment où les politiciens se bousculent encore aux portillons du Dialogue national, la Majorité présidentielle, qui soutient Joseph Kabila, a déjà franchi le Rubicon. En effet, selon les députés de cette faction, les élections n'auront pas lieu en RDC et, donc, il faut déjà faire appel à la Cour constitutionnelle - plutôt "sa cour" nommée par elle - pour interpréter les articles 70, 103 et 105 de la Constitution qui prolongerait automatiquement le mandat de l'actuel président à partir de 2016. Bref, la Majorité présidentielle prépare son "glissement".

En effet, selon la presse locale, la MP a déposé une "requête en interprétation" des articles 70, 103 et 105 à la Cour constitutionnelle. Pour rappel, le deuxième et dernier mandat du président de la République s’achève le 19 décembre, conformément à la Constitution. La Majorité présidentielle estime pour sa part que le Rais devrait garder son fauteuil aussi longtemps que son successeur ne sera pas élu. Et il ne le sera pas à la date convenue, puisqu'elle livre toutes sortes de raisons empêchant l'organisation des scrutins, donnant ainsi raison à l'opposition qui soupçonnait depuis des lurettes ce camp politique de jouer aux prolongations.

L’article 70 alinéa 2 de la Constitution stipule : « A la fin de son mandat, le président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu ». La famille politique du chef de l’État vient de réunir plus de 100 signatures en vue de saisir la plus haute juridiction pour qu’elle donne son interprétation, qui ferait force de loi.

« Nous voulons demander à la Cour constitutionnelle ce que cela signifie. Puisqu’il y a d’autres acteurs politiques de l’Opposition qui soutiennent le contraire. Ils disent qu’il y a vacance de pouvoir à la fin du mandat du président de la République. Nous voulons que la Cour constitutionnelle donne l’interprétation exacte de cet article », a confié un député national membre de la MP.

Aucune sanction pour les autorités incapables d'organiser les scrutins

Alors que le Bénin, la République centrafricaine, le Niger, la Côte d'Ivoire et même plus près le Burundi, le Rwanda et le Congo Brazzaville ont organisé leurs élections sans atermoiements, au pays de la "Révolution de la modernité", les autorités sont incapables de le faire. Nos députés de la médiocrité, curieusement, se sont précipités à accepter l'inacceptable, se dérobant ainsi de leurs responsabilités de législateurs, et s'enorgueillissent même d'aller plutôt pleurnicher auprès de la Cour constitutionnelle. Alors même que dans les pays normaux, ces députés devaient parvenir à un constat de carence dans le chef des responsables - CENI, membres du gouvernement concernés et même plus - et proposer des sanctions contre les autorités défaillantes.

Les arguments avancés par la Majorité sont d'ailleurs trop faibles : "Nous n'avons pas d'argent", "le pays est très grand" ou encore "les routes sont en mauvais état". C'est de la faute à qui si les routes n'ont pas été arrangées, après plus de dix ans de gestion du pays ? Fallait-il à nos politiciens attendre 2016, pire quelques mois avant les joutes, pour se rendre enfin compte que la RDC est un grand pays, alors que déjà à l'école primaire les dimensions du pays sont enseignées ?

" La RDC a de l'argent. Le contraire serait une aberration "

Par ailleurs, au sujet de l'argument sur le manque d'argent, un opposant, M. Gabriel Mokia, affirmait le mois dernier, au cours d'une intervention sur CCTV : " On nous dit qu'il n'y a pas d'argent. Un pays comme la RDC, avec ses impressionnantes exploitations minières, ses exploitations pétrolières, l'exploitation de gaz méthane au Nord-Kivu, les richesses de ses forêts, ses immenses frontières douanières, etc, peut-il vraiment manquer d'argent ? Si réellement il n'y a pas d'argent, c'est que les responsables doivent être poursuivis. Parce qu'ils se sont amusés avec, en plus d'avoir détourné les fonds publics. La RDC a de l'argent. Le contraire serait une aberration ".

M. Mokia avait sûrement raison, car lorsque l'on assiste à la multiplication des missions à l'extérieur, avec frais de mission colossaux vu l'importance des délégations, lorsque l'on considère certains missions de haut rang effectuées sans raison à l'intérieur avec l'argent du trésor, principalement au Katanga - des besoins électoralistes ? - souvent avec pas moins de trois ministres, leurs délégations comprises, comme dernièrement où le ministre de l’Économie nationale Modeste Bahati Lukwebo s'est fait accompagner des ministres de la Santé, Félix Kabange Numbi, de l’Agriculture Pêche et Élevage, Émile Mota et des Mines, Martin Kabwelulu - en lieu et place du gouverneur du Haut Katanga. Cela, pour un simple problème de pénurie du "Kakontwe", la célèbre farine de maïs, on se dit que nos dirigeants sont en train de s'amuser et, donc, que la crise dont ils parlent ne concerne que les autres et s'arrête devant leur propre porte.

La litanie des aberrations reste longue. On peut encore citer, entre autre, cette mission du vice-Premier ministre Makiashi, parti à Bukavu au Sud-Kivu pour " poser la première pierre" des travaux de construction de la direction provinciale de l’Institut national de préparation professionnelle (INPP). Dans sa suite M. Maurice Tshikuya et Mme Agnès Mwad, directeurs généraux respectivement de l’INPP et de l’INSS.

Pire, ce déplacement à Likasi, dans le Haut-Katanga, du ministre de Mines, Martin Kabwelulu, parti sans rire "en mission de travail" pour " libérer tous les camions qui transportent des produits miniers victimes de la lenteur administrative". Et si on y ajoute tous les cadeaux en voitures et en maisons qu'on a vu allouer aux magistrats, aux musiciens et aux footballeurs, on a assez de preuves que la RDC ne manque pas d'argent.

A quoi s'attendre au 19 décembre 2016 ?

Aux termes de la Constitution en vigueur, le deuxième et dernier mandat du président de la République s’achève le 19 décembre. Que se passera-t-il après cette date fatidique, lorsque l'on sait pertinemment bien que les élection n'auront pas eu lieu ? Est bien malin celui qui pourra nous donner la réponse exacte à cette interrogation, car cela relève ni plus ni moins du charlatanisme.

En tout cas, les différents camps se regardant en chiens de faïence, tentent de résoudre l'équation, avec des interprétions diverses, selon que l'on est pour un glissement anti-constitutionnel ou que l'on soutien "le respect du délai constitutionnel". Le texte fondamental dit dans son article 70 : « A la fin de son mandat, le président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu ». La polémique qui divise la classe politique concerne l’exercice du pouvoir à la fin du mandat, plus exactement à partir du 20 décembre 2016, date prévue pour la passation des pouvoirs.

Pour la MP, cette disposition est "sans équivoque". Elle stipule que le président en fonction reste en poste en gardant toutes ses prérogatives constitutionnelles jusqu’à l’élection et l’installation effective du nouveau président de la République. Pour elle, l’article 75 règle la question de l’empêchement définitif du chef de l’État, qui peut aller du décès à la démission, en passant notamment par le cas de haute trahison. Dans ce cas, c’est le président du Sénat qui prend les rênes du pays pour organiser les élections dans les 90 jours au plus. Et dans ce cas de figure précis, une autre controverse voit le jour avec un Sénat dont les membres ne sont plus légitimes depuis 2011.

De son côté, l’Opposition croit mordicus que l'article 70 ne concerne que le cas où la présidentielle a effectivement eu lieu. Car il parle bien de « l’installation du nouveau président de la République élu. C’est dans ce cas que le sortant expédie les affaires courantes, en attendant la séance de passation des pouvoirs ». Et au cas où il n’y aurait pas élections ? Pour elle, on tomberait dans la situation de vacance de pouvoir. Ce qui conduirait à l’application de l’article 75 de la Constitution sur la vacance du pouvoir.

Comme on le voit, la guerre des cerveaux est lancée, avec ses interprétations contradictoires. Et lorsque l'on sait que la Cour constitutionnelle, la seule habilitée à trancher, a été nommée et installée par la Majorité, on ne peut s'attendre au moindre suspens. Car elle fera juste un copier-coller de l'interprétation fournie par son propre camp. Bref la MP poursuit dans sa logique du glissement qui se précise au grand jour, et de pourrissement de la situation qui fait craindre le pire.

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