Saga Moïse Katumbi : Qu'est-ce qui fait courir Thambwe Mwamba ?

Publié le par Jean-Cornelis Nlandu-Tsasa

Moïse Katumbi, en route vers le tribunal entouré de sympathisants
Moïse Katumbi, en route vers le tribunal entouré de sympathisants

Bruxelles, 18/05 - Alors que de multiples affaires judiciaires sont restées pendantes, le ministre congolais de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, est allé sur un sprint spectaculaire pour traduire en justice l'opposant Moïse Katumbi, accusé de recrutement et d'utilisation de mercenaires étrangers à son service.

Pire, l’ex-gouverneur de l’ancienne province du Katanga était, à l'origine, annoncé comme "arrêté". Certains confrères de la capitale, proches du pouvoir, n'ont même pas eu le culot de recouper l'information, relayant allègrement les allégations glanées. Puisque cela desservait l'opposition, à quoi bon vérifier ?

En effet, c’est grâce à la Monusco que le richissime homme d'affaires katangais a échappé à une arrestation commanditée depuis Kinshasa, le ministre Thambwe ayant donné "l’injonction au Procureur général de la République d’ouvrir une enquête à charge de Moïse Katumbi". Vous avez dit indépendance du pouvoir judiciaire ?

D'autres affaires aussi urgentes simplement zappées

A considérer toute la hargne et la célérité avec lesquelles le Garde de sceaux congolais s'est employé à diligenter l’enquête et surtout les différentes convocations, presque sans délai, on se pose des interrogations. On croirait même que cette affaire est la seule pour laquelle M. Thambwe a été nommé à son poste, lui qui est resté discret le clair de son mandat et brusquement entré en transe.

D'autres affaires, et de plus sérieuses, ont précédé celle des "mercenaires de Katumbi", que l'on sait montée de toutes pièces, sans qu'il n'ait levé le plus petit doigt. On peut notamment citer l'affaire concernant l'entrée en territoire congolais de l'armée rwandaise sans l'aval du parlement, ou la plainte déposée par le président Kabila pour fraudes et corruption de mandataires et hauts fonctionnaires de l’État qui ont allègrement pioché dans la caisse publique.

Ou encore l'affaire de fosses communes à Maluku en banlieue de Kinshasa, sans oublier l'allégation concernant le manque d'argent pour l’organisation des élections, qui risque pourtant de déstabiliser le pays tout entier et où, dans un système normal, des responsabilités devaient être dégagées. Rien de cela n'émeut le ministre congolais de la Justice et Garde des sceaux, ni l'appareil judiciaire. Comme les responsabilités sont chercher du côté du pouvoir, le mutisme ne peut être que prévaloir.

Au sujet des 421 corps enterrés nuitamment dans une fosse commune à Maluku, à l'abri des regards, Thambwe Mwamba se bornera d'affirmer : "Je pense que des gens ont le goût du sensationnel, et voudraient trouver un scandale". Et le dossier fut très vite refermé.

Rappel des faits sur la saga Katumbi

Selon Alexis Thambe Mwamba, ministre de la Justice, au total 658 mercenaires américains armés jusqu’aux dents, seraient aux ordres de Moïse Katumbi, dans un camp d'entraînement au Katanga. C'est là que le ministre congolais se complique la tâche, car un nombre aussi importants d'Américains qu'aucun Katangais n'a jamais vus, relève ni plus ni moins que du fantasme destiné à servir une cause perdue d'avance.

Mas le ministre congolais ne décolère pas dans ses allégations. Au cours d'un point de presse tenu à cet effet, il dit détenir "des preuves palpables" de cette présence. En effet, explique Thambwe Mwamba, un caporal du nom de Lewis Daryl a été appréhendé, le dimanche 24 avril dans la commune de la Kenya, après avoir provoqué une altercation à un point de contrôle. Le sieur dont question, travaillerait pour la société de gardiennage, Bomba Security, basée à Lubumbashi et qui fonctionnerait totalement dans l’irrégularité, sans permis d’exploitation et sans identité, à croire Thambwe Mwamba.

"Les vaillants éléments de la Police nationale congolaise vont appréhender dans la province du Haut Katanga, six personnes, dont cinq Congolais proches de Katumbi et un sujet américain, nommé Lewis Dary ».

Les premières statistiques de la Direction générale de Migration (Dgm) renseignent que de janvier à mai 2016, plus de 658 sujets américains sont arrivés dans l’ex-province du Katanga, annonce-t-il. « Nous allons mener des investigations sur les raisons pour lesquelles ils sont arrivés de manière aussi massive et en si peu de temps sur le sol congolais », a-t-il assuré sans toutefois diligenter une enquête pour manquement à l'encontre des services de renseignement congolais.

L’ambassade des Usa prise à témoin

L'audition de M Lewis Daryl a eu lieu en présence du Chargé d’affaire et du Consul de l’ambassade américaine, alors que ses complices congolais étaient assistés de leurs avocats, a affirmé le ministre Thambwe Mwamba, sans allusion aux autres membres du gang américain.

Lewis Daril a avoué son statut d’ancien militaire américain et sa mission apparente de conseiller en matière de sécurité de M. Katumbi, selon le ministre de la Justice qui enfoncera le clou en précisant que l'homme a par ailleurs avoué qu’il était sous contrat militaire d’abord au Kosovo, de 2009 à 2010 et ensuite au Burundi de 2011 à 2012. Aucune trace d'activités militaires en RDC qui font dire au ministre qu'il agit en tant que mercenaire avec plusieurs centaines de ses compatriotes.

Démenti américain : « L’ambassade des Etats-Unis pas d’accord avec Thambwe »
« L’ambassade des Etats-Unis est profondément préoccupée par les accusations d’activités de mercenariat qui auraient été faites pendant la conférence de presse du ministre de la Justice Alexis Thambwe Mwamba, le 4 mai, et que nous croyons sont fausses.

Nous sommes au courant de la détention le 24 avril d’un citoyen américain qui travaillait au Katanga comme conseiller en sécurité. M. Darryl Lewis n’était pas armé et les allégations selon lesquelles il était impliqué dans des activités mercenaires sont fausses. Nous comprenons qu’il travaille dans une société privée américaine qui fournit des services de consultation à des clients à travers le monde entier ». Ni plus ni moins qu'un bras de fer déclenché par le ministre Alexis Thambwe Mwamba, lu-même ancien rebelle du RCD puis du MLC et ancien mobutiste, qui nous fait penser à un remake des nombreux « Coups montés et manqués ».

L'évêque du diocèse de Kilwa-Kasenga : «Une histoire montée de toutes pièces»

Mgr Fulgence Muteba, évêque de Kilwa-Kasenga dans le Haut-Katanga, a affirmé qu’il n’y a pas de mercenaires dans son diocèse, comme le laissait entendre une certaine rumeur. «A ma connaissance, il n’y a pas d’étrangers à Pweto, ni à Kasenga, ni à Kilwa et non plus à Kashobwe. Les seuls étrangers que je vois, ce sont des exploitants forestiers qui ravagent notre forêt. Je n’ai jamais hébergé des étrangers, ni de Rambo, ni de Ninja encore moins de rangers sud-africains», a affirmé le prélat catholique.

Il s'agit d'une histoire montée de toutes pièces, pour Mgr Muteba qui ajoute qu’il n’y a aucun camp des miliciens sur toute l’étendue de son diocèse. «Chaque fois qu’il y a un problème de sécurité, nous savons le signaler à qui de droit. Nous avons tant de soldats disséminés partout, on n’a jamais entendu un affrontement entre nos soldats et des éventuels miliciens. C’est une histoire inventée de toutes pièces et une espèce de fiction», a conclu l’évêque de Kilwa-Kasenga, qui connaît bien sa juridiction.

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