La police exhibe ses biceps dans les rues de Kinshasa comme à la veille de l'OTT en 2005

Publié le par Jean-Cornelis Nlandu-Tsasa

Des colonnes d'engins anti-émeutes dans les rues de Kinshasa
Des colonnes d'engins anti-émeutes dans les rues de Kinshasa

Bruxelles, 16/09 - L'histoire a la sale habitude de bégayer, dit-on. Mercredi, la police congolaise a organisé ce qu'elle a dénommé un "carnaval motorisé d’engins anti-émeutes" à travers les artères de Kinshasa, "en vue de raffermir les liens entre la population et la police nationale", à croire les commentaires du commissaire général Charles Bisengimana, qui n'a d'ailleurs réussi à convaincre personne.

En effet, cette manœuvre ne constitue pas une première. Chaque fois, la population n'a reçu au préalable aucune information sur le sujet et n'y a nullement été associée. Pire, elle se déroule chaque fois à l'aube d'une action d'envergure que le pouvoir redoute, sur appel de l'opposition.

En 2005, alors que la transition venait d'être prolongée, l'opposition d'alors, composée principalement de l'UDPS d'Etienne Tshisekedi et du PALU d'Antoine Gizega, avait prévu pour le 30 juin la célèbre Opération tremblement de terre (OTT), qui appelait la population à envahir les rues de Kinshasa pour mettre fin à la transition.

Ces partis avaient promis l'apocalypse. Pour eux "les institutions de la transition congolaise devaient cesser d'exister à minuit" à cette date, "et la parenthèse ouverte le 17 mai 1997 par Laurent-Désiré Kabila lors de l'entrée de l'AFDL sera refermée", pouvait-on lire dans le numéro spécial du magazine Le Signal, dont l'envoyé spécial, Jean-Cornelis Nlandu, était sur place à Kinshasa.

Des colonnes de blindés et des policiers parfois cagoulés

La veille de ce 30 juin 2005, la population a dû assister à une véritable épreuve de force, avec des colonnes entières de blindés doublés de véhicules militaires grand format bondés d'hommes armés jusqu'aux dents, parfois même cagoulés, entrecoupés de motards tout aussi armés. Le commandant des Forces armées congolaises de l'époque affirmait dans un communiqué qu'il s'agissait de "manœuvres militaires normales visant à ressouder l'esprit de corps au sein des Forces armées".

Mais personne n'était non plus dupe pour un carnaval sillonnant rues et ruelles de la capitale congolaise la veille de l'OTT. Il s'agissait bien d'inoculer la peur, de manière à dissuader le dernier carré des irréductibles tshisekedistes et gizengistes qui seraient tentés d'envahir les rues.

Déjà, les jours précédant le 30 juin avaient été drôlement calmes dans une métropole grouillant de monde jusqu'au petit matin. Les consignes étaient claires : il fallait rentrer à la maison à 20 heures au plus tard, avec le phénomène "kata kata", avec la disparition des effrayantes machettes "Tramontina" des commerces et le nombre de morts ramassés le lendemain à Kinshasa, des œuvres d'"éléments incontrôlés".

Des blindés dans les rues à l'orée de la date du 19 septembre

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la manœuvre militaire du mercredi 14 septembre a lieu à l'orée de la date fatidique du 19 septembre 2016, considérée par la Constitution congolaise comme celle où la CENI, la Centrale électorale congolaise, doit convoquer l'électorat, l'opposition appelant la population à des manifestations d'envergure à travers la RDC et même à l'extérieur pour "faire respecter la loi fondamentale" et "mettre fin à l'imposture".

Et comme en 2005, la police congolaise est clairement sortie pour exhiber ses biceps à la population, avc "un cortège motorisé" parti du Commissariat général jusqu’à la banlieue de Maluku en passant par le boulevard Lumumba, l’autoroute de Maluku, l’avenue des Poids Lourds, la gare centrale de Kinshasa, le boulevard du 30 Juin et l’avenue de Libération, le centre commercial de Kintambo, l’avenue Kasa-Vubu avant de revenir sur le point de départ.

De même, le commissaire général Charles Bisengimana s'est aussi aventuré à préciser qu’à travers ce carnaval d'engins antiémeutes composés de véhicules à canon à eau et de blindés d’intervention, "il n’a pas été question de faire peur à la population mais plutôt de lui montrer que la police est dotée de moyens pour sécuriser l’ensemble des Kinois en particulier et la population congolaise en général".

Déjà que les forces de l'ordre n'ont jamais fait bon ménage avec la population, ce n'est pas maintenant qu'elles sont cagoulées et montées sur des engins impressionnants que le couple va se réconcilier. Bien au contraire.

Ménage difficile entre la police et la populationMénage difficile entre la police et la population

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